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Jean-Christophe Cambier

Jean-Christophe Cambier est né en 1956. Il vit à Paris.

Il publia Abstracts aux éditions Les presses du réel, un texte écrit entre 1984 et 1987, sans équivalent dans la littérature française.

« Très jeune, il se fait remarquer par sa participation aux colloques consacrés, sous la direction de Jean Ricardou, à Claude Simon et Alain Robbe-Grillet, en 1974 et 1975, à Cerisy-la- Salle. En 1977, il publie, dans la revue Critique, un brillant article sur Omnibus (1976) de Benoît Peeters, dans lequel il analyse également deux livres de Renaud Camus, Passage (1975) et Échange (1976, publié sous l’hétéronyme de Denis Duparc). L’année suivante, il écrit un texte d’une tonalité barthésienne, « D.C.D. (Discours et codes disco)  », qui ne paraîtra dans Conséquences qu’en 1986, en même temps que sort son premier livre, Le Jeu de Paume, achevé cinq ans plus tôt – un roman, signé d’énigmatiques initiales : ds.df.. Il faudra attendre 2010 pour voir la parution d’un deuxième livre, Temps mort, premier volet d’une trilogie : un ouvrage de « méditation spéculative », génériquement instable, qui, au gré de séquences phrastiques plus ou moins longues, détachées les unes des autres, distribue ses objets de réflexion : « le sommeil (paradoxal ?), le rêve (« éveillé ?), le souvenir (volontaire ?), le fantasme (velléitaire ?), le désir (vivable ?), l’amour (vécu ?), l’émotion (sensible ?), le goût (transcendant ?), le monde (ennuyeux ?), le délire (intelligible ?), la lecture (facile ?), l’écriture (en relief ?) ».

Si les travaux de prime jeunesse de Cambier s’inscrivaient dans la mouvance du Nouveau Roman, les deux premiers livres qu’il termine, Le Jeu de Paume et Abstracts, ne témoignent guère de ce tropisme néo-romanesque. L’un est un récit au style un rien abscons, résolument distant de « l’universel reportage » – même dans les dialogues (« Je mesure, Monsieur, ce costume soit pure merveille, une infinité parmi d’autres, la passion infligée du cas particulier »). Quant à son intrigue, elle ne s’entrevoit que dans le « sommaire » qui clôt le « roman ». Abstracts, doublement fidèle à son titre, se présente, quant à lui, comme une suite de courtes séquences – de cinq mots à une quinzaine de lignes –, le plus souvent autonomes, mobilisant un lexique purement abstrait. Dans la littérature des années qui précèdent, seuls Le pas au-delà (1973) et L’écriture du désastre (1980) de Maurice Blanchot avaient livré des exemples d’œuvres littéraires aussi radicalement abstraites. En tel ou tel passage, les deux livres adoptent le mode du récit, mais c’est avant tout à leur structure fragmentaire qu’ils doivent un statut d’œuvre littéraire autant que d’essai critique ou philosophique.

Le fragment aura d’ailleurs été le principal outil grâce auquel la critique de la Raison, dont Blanchot ou Jacques Derrida auront compté parmi les principaux acteurs français, s’est employée à déjouer une contradiction qui préoccupait également Adorno : le recours aux instruments mêmes de la raison pour mener la critique de cette dernière. En d’autres termes, l’issue littéraire du texte théorique, dont témoigne son économie fragmentaire, se donne comme la résolution de cette contradiction. Nul doute qu’il faille replacer le livre de Cambier, qui adopte lui aussi une forme fragmentaire, dans ce moment de suspicion principielle à l’égard du métalangage. Entre un discours critique qui choisit de « se défaire » pour ne pas fonder son cours sur cela même qu’il met en cause et une littérature qui conteste l’empire du récit et de la représentation, jusqu’à s’exempter d’histoire, de description ou de personnages – le seul à subsister est l’ego scriptor –, s’opère une rencontre, dont Abstracts – c’est sa vertu proprement historique – constitue l’exemple superlatif. Une manière de littérature abstraite – comme il y a une peinture abstraite – trouve ainsi sa raison d’être, pendant les années 1970 et 1980, dans le croisement des deux logiques. »

Michel Gauthier

Extrait complet à consulter sur le site des éditions Les presses du réel : www.lespressesdureel.com/extrait.php?id=2043&menu=.

Benoît Peeters, son éditeur, présente Jean-Christophe Cambier à l’occasion de la parution de Temps mort.

 

« Comme tout écrivain authentique, Jean-Christophe Cambier invente non pas sa propre langue (chaque phrase de l’auteur pourrait servir à une leçon de grammaire à la Grevisse), mais sa propre manière de mettre en jeu le langage, d’une étrangèreté radicale. La difficulté des textes de Jean-Christophe Cambier ne tient pas seulement au choc d’une extrême pureté (le refus du spectacle, pourrait-on dire) et d’une série éblouissante de modulations syntaxiques qui tendent à transformer la phrase en rythme, en événement absolu. Elle résulte aussi de l’absence d’autres repères, du gommage de tout ancrage ou relais qui aide à “légender” les vignettes intrigantes, en même temps que libérées de toute intrigues, de ces pages où une voix personnelle s’impose dès le premier mot. Les auditeurs des mardis ont souvent dit que la lecture à haute voix par Mallarmé lui-même suffisait souvent à dissiper les incertitudes nées de la vue des textes. Il en va peut-être de même ici.

[…]

Il y a quelque chose de cela (et est-il possible d’utiliser des mots plus pauvres : “il y a”, “quelque chose”, “cela” ?) dans l’écriture de Jean-Christophe Cambier. Elle nous glisse entre les doigts quand nous pensons la saisir. En même temps, nous sentons que cette écriture nous glace et nous brûle et que notre main, même vide, n’est plus la même. »

(extrait d’un un article de Jan Baetens sur Jean-Christophe Cambier paru dans FPC/Formes poétiques contemporaines n° 12, 2016, pp. 19-25)

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