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La Voix dans le débarras

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Thème(s) :
ISBN : 978-2-87449-657-8
Format : 14.8 x 21 cm
Pagination : 96 pages
Prix : 13€
Parution : février 2008

Pour le soustraire aux Nazis, une mère cache son enfant dans un placard. C’est depuis ce lieu à la fois excitant et angoissant que l’enfant-narrateur va pouvoir suivre sans oser bouger l’arrestation de ses parents et de ses sœurs, qu’il ne reverra jamais. Dans un bref récit écrit simultanément en anglais et en français, Raymond Federman restitue, sous la forme d’un monologue halluciné, cet événement clé de sa vie dont il conjure le traumatisme par une violence verbale jamais vue et surtout jamais entendue dans un récit de survivant.

Comme l’écrit Marc Avelot, dans une préface éclairante, « la grande force de Raymond Federman est de conjoindre les chaos dans un récit qui s’élabore comme une sorte d’art poétique de l’horreur. Si l’on veut bien aborder le livre sous cet angle, il s’offre, à la charnière de James Joyce et de Pierre Guyotat, comme un des textes majeurs du XXe siècle. » Maurice Roche ne s’y est pas trompé en dédiant à Raymond Federman un de ses textes les plus effervescents, Échos.

Aux États-Unis et en Allemagne, La Voix dans le débarras / The Voice in the closet est depuis longtemps un texte incontournable sur la Shoah. Exceptionnel par le témoignage qu’il apporte, ce texte qui retrace la manière dont un enfant a vécu l’enlèvement de sa famille lors de la Rafle du Vel’d’Hiv’, le monologue de Federman se distingue aussi par son écriture absolument inédite. Voici un texte qui ne dit pas seulement l’indicible, mais qui le fait vivre à travers sa forme même.

Pour Raymond Federman, qui avait quitté la France en 1947, la publication française de ce livre-culte était un événement biographique capital. Son point nodal, sans doute, qui devait accompagner l’auteur au seuil de la mort, comme le raconte sa fille Simone dans une lettre particulièrement émouvante.

October 6, 2009
My father died this morning. Last night I read all of “The Voice in The Closet” to him in one breath, 75 pages: one sentence. I stopped on page 61 to cry, and then we both cried at the end. He had not been responsive for more than 24 hours, so this was especially magical. I thanked him for all the books, all the beautiful sentences, this being the most beautiful I had ever read. I thanked him for being the best father I could ever imagine. I told him he would always be my best friend. His eyebrows told me to stop crying. So I did. I told him I understood because he had taught me about laughter.
I went to bed on the pull-out couch next to his bed. I half heard his loud heavy breathing stop and roused to call my mom, who had already had a beautiful tearful last goodbye, and the nurse. He had died. We said kaddish for him at the mortuary, and he was cremated, as he wished, like his mother, father and sisters, at about noon.
We are planning to spread some of the ashes, maybe some noodles too, at his golf course, maybe even make a drop at the casino, and then bring some to France to spread at his former apartment and Le Cimetière Marin (the one in the Valéry poem he wanted me to read to him last week).
My mother and I, my sister Robin and brothers, James and Steve are planning a memorial celebration of his life in San Diego in the coming weeks, details to come.
We are okay, feeling strong. We had a really special last few weeks with him, not to mention a really special 47 to 49 years. I apologize for the group e-mail. I just wanted you to know.
Much love,
Simone

Le 6 octobre 2009
Mon père est mort ce matin. La veille je lui ai lu tout “La Voix dans le débarras” d’un seul trait, 75 pages : une phrase. Je me suis arrêtée à la page 61 pour pleurer, et ensuite on a pleuré ensemble à la fin. Cela faisait plus de 24 heures qu’il n’avait plus réagi, c’était donc particulièrement magique. Je l’ai remercié pour tous les livres, toutes les belles phrases, celle-ci étant la plus belle que j’ai jamais lue. Je l’ai remercié d’être le meilleur père que je puisse imaginer. Je lui ai dit qu’il serait toujours mon meilleur ami. Ses sourcils m’ont dit d’arrêter de pleurer. Donc je l’ai fait. Je lui ai dit que je comprenais parce qu’il m’avait tout appris sur le rire.
Je me suis couchée sur le clic clac à côté de son lit. J’ai entendu à demi sa respiration lourde et bruyante s’arrêter. Je me suis levée pour appeler ma mère, qui lui avait déjà dit un bel et tendre dernier adieu, ainsi que l’infirmière. Il était mort. On a dit le kaddish pour lui à la morgue et il a été incinéré, comme il l’avait souhaité, et comme sa mère, son père et ses sœurs l’avaient été, aux alentours de midi.
Nous avons pour projet de disperser quelques unes des cendres, et peut-être aussi quelques nouilles, sur son parcours de golf, de peut être même passer en laisser quelques unes au casino, et d’en apporter ensuite certaines en France pour les étendre dans son ancien appartement et au Cimetière marin (celui dans le poème de Valéry qu’il a voulu que je lui lise la semaine dernière).
Ma mère et moi, ma soeur Robin et mes frères James and Steve allons organiser une célébration commémorative de sa vie à San Diego dans les semaines prochaines, les détails suivront.
Nous allons bien. Nous venons de passer quelques semaines vraiment magnifiques avec lui, sans compter 47 à 49 années non moins magnifiques. Veuillez m’excuser pour cet e-mail de groupe.
J’ai juste voulu vous mettre au courant.
Je vous embrasse,
Simone

À l’occasion de la nouvelle édition de La Voix dans le débarras et de la publication de Chut ! aux éditions Leo Scheer, Les Impressions Nouvelles mettent en ligne une séquence réalisée en 2002 pour l’émission « Mic Mac », sur Arte.

Raymond Federman avait accepté de retourner avec Benoît Peeters à Montrouge, dans la maison de son enfance, où toute sa famille fut arrêtée lors de la Rafle du Vel’d’Hiv.

Voir la vidéo sur Dailymotion

Poezibao

« Dans La Voix dans le débarras, écrit simultanément en anglais et en français, ce qui frappe c’est le contraste entre la forme matérielle du texte et ce texte.
Casse à l’intérieur – intérieur du placard | enfant dans le placard – syntaxe phrases, narration, chaos, turbulences mais enserrés orthonormiquement, blocs quasi carrés, cadrés, justifiés, lignes impeccables, parois de la tombe-issue. Inside, déconstruction de la raison et court-circuit du principe temporel de la narration. Et cette double rédaction en français et en anglais par le poète même. Des différences ; elles sont éclairantes. Double langue pour la dichotomie, adultes/enfant, sauvé/exterminés, pour aucun centre stable, deux voix, la sienne, la leur, fondues. »

Florence Trocmé, Poezibao, 15 mai 2008

Lire l’article complet sur le site de Poezibao

Le Monde des Livres

« Ce monologue presque claustrophobe – une longue et unique phrase, dénuée de ponctuation – et aux contraintes toutes oulipiennes, constitue, comme [l’écrit Raymond Federman], le coeur de son oeuvre. Un texte majeur, refusé pourtant par presque tous les éditeurs américains, dont l’un trouvera quand même le culot de lui dire à peu près ceci : Nous trouvons ce texte trop intelligent pour que puisse être envisagé un quelconque succès commercial. […] Mais de tout cela, Raymond Federman rit. Car c’est le rire qui l’a sauvé de ce qu’il appelle cette énormité impardonnable qu’est la Shoah. Le rire et l’écriture. »

Émilie Grangeray, Le Monde des Livres, 10 juillet 2008

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