« Temps mort est difficile à situer dans les limites d’un genre.
Récit ? Toutes les données tiennent de la confession, mais reposent tendanciellement sur une autographie. Roman ? Mais l’intrigue et les personnages (anonymes) s’apparentent plutôt à un jeu d’ombres. Poésie ? Mais qualifiée par une prose excessivement abstraite.
L’opacité relative du livre provient de ce qu’il fait, défait et refait les protocoles de l’écriture, vraie mystique de la symétrie du sens. Un sens fasciné, présent-absent, kaléidoscopique, où tout est observé, examiné, tourné dans la contrainte supplémentaire de l’écrit, laissant au lecteur d’autant plus de latitude, augurant un surcroît d’interprétations.
Le style, en effet, cherche à certifier le chiffre de langue, à vérifier sa lettre, à concrétiser ses signes, à verbaliser ses mots pour obtenir un phrasé d’hologrammes, installant le sens surréel et sa géométrie variable, souvent paralogique, subliminale.
Le temps mort est celui de la méditation spéculative, passionnelle, cruciale – bord de la raison à la conscience, catharsis. Ses objets sont le sommeil (paradoxal ?) le rêve (éveillé ?), le souvenir (volontaire ?) le fantasme (velléitaire ?), le désir (vivable ?), l’amour (vécu ?), l’émotion (sensible ?), le goût (transcendant ?), le monde (ennuyeux ?), le délire (intelligible ?), la lecture (facile ?), l’écriture (en relief ?).
La personnalité du narrateur, à l’identité rigoureuse, est menacée par des mirages énigmatiques, phénoménaux, mis en œuvre par la réflexion des impressions, des affects, des sentiments, selon la logique d’un paradoxe réfléchi. La relation pathétique au vécu altère la conscience, la fascine, en suggère le portrait virtuel. Elle discute l’aveu de la folie comme l’authenticité de l’intime, qui se relèvent dans l’analyse (ubiquitaire) en deçà même d’un récit, d’une évocation, d’une description.
La singularité de l’absolu dupe les codes au possible, subvertit la contemplation, franchissant la frontière atypique de la douleur dans l’antagonisme à la souffrance rapportée à l’aveu même de l’écriture. »
Jean-Christophe Cambier