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Tintin Schizo

Domaine(s) :
Genre(s) :
ISBN : 978-2-87449-035-4
Format : 14.8 x 21 cm
Pagination : 160 pages
Prix : 15€
Parution : octobre 2007

Selon Pierre Sterckx, critique d’art qui fut l’ami d’Hergé pendant vingt ans, Tintin n’est pas le personnage conventionnel et froid, humaniste et chrétien, misogyne et réac que l’on décrit souvent.

On manque le génie de Tintin si on le réduit à un sage porte-parole des codes moraux et politiques de son temps, mais on se trompe aussi si on ne voit en lui qu’un prodigieux lecteur des codes des autres. Malgré les apparences, Tintin ne décode pas la Chine, les Incas, le Tibet, l’Amérique. Les codes, quels qu’ils soient, vénérables et anciens, excitants et modernes, ne lui suffisent pas. Il passe à travers. C’est cela qui explique ses hallucinations, son attirance pour la folie, ses moments oniriques considérés comme réels. Et voilà pourquoi l’on peut qualifier Tintin de « schizo », au sens de Deleuze et Guattari.

« Ce que j’ai tenté de suggérer, c’est la double nature ambiguë de Tintin, la façon dont le petit reporter est un être fourchu, et la manière dont il incarne à merveille la raison du système occidental et sa folie. D’une part, Tintin arpente le monde. On a dit et montré mille fois comment les civilisations – disons, exotiques – le passionnaient. On a insisté aussi à quel point il les “respectait” depuis sa rencontre, en 1934, avec Tchang, son ami et conseiller chinois s’agissant du Lotus Bleu. Mais ce décodage des cultures planétaires n’était pas aussi innocent, ni surtout si généreux qu’on le voudrait. Décoder les autres mondes fut, en effet, pour le capitalisme des XIXe et XXe siècles, une façon de les réduire comme codes et mythes actifs et de leur assigner une fonction folklorique ou résiduelle sans aucun danger pour la suprématie de notre société moderne. Tintin ne détruit pas le monde des Arumbayas, du Yéti, ou des Incas, mais il les laisse en quelque sorte désarmés, désoeuvrés en notre esprit. Ah ! Ce n’était donc que ça ! Un gorille sur une île d’Ecosse, un morceau de glace sur la Lune. Le “tout est bien qui finit bien” de Tintin équivaut à la mise à plat des mythes, leur épitaphe. Bien qu’Hergé ait refusé l’aide de la psychanalyse lors de sa crise personnelle de la fin des années 50 et qu’il n’ait pas poussé les enquêtes ethnologiques fort loin (et pas seulement au Congo !), il est extrêmement proche de ces deux disciplines appréciées par nos contemporains.

Psychanalyse, ethnologie et Tintin, même combat : décoder, dans le double sens de décrypter les codes et d’anéantir leurs pouvoirs. Le tout avec la plus extrême bonne conscience du missionnaire. Pourquoi Tintin a-t-il convaincu les éducateurs catholiques (et autres) depuis 1930 ? Parce qu’ils y ont vu une seule axiomatique, un décodage rigoureux de tous les codes et formations sociales que les autres mondes codaient ou surcodaient. Un monothéisme tout neuf, en quelque sorte. Voir Tintin comme limite imposée agréablement à tout ce qui pourrait sembler menacer l’ordre de la répression-refoulement voulu par le capitalisme. Les Soviets seront décodés brutalement, en premier, tout le reste suivra. avec quelques nuances.

Et le versant schizoïde de Tintin ? Comment le connecter à ce qui a toujours paru être sa seule et vraie nature rationnelle et éclairante ? Pour comprendre un tel écart, il faut bien préciser que la schizophrénie (je préfère dire le versant “schizoïde” afin d’échapper à tout contexte clinique et insister sur la puissance de création de ce processus) est une production de désir et de langage qui fait passer des flux (actes, signes) à l’état libre sur le corps du capital considéré comme totalement désocialisé. En quelque sorte, le capitalisme, par sa passion du décodage, n’a cessé de créer de la schizophrénie en son propre sein, mais simultanément s’est évertué à l’inhiber, le réduire, l’interner. Tintin est à plusieurs reprises interné, jeté en asile ou en prison, enterré vif, momifié, pour cette raison ! Il est l’électron libre. Ses incessants voyages, censés servir le capitalisme en tant qu’opérations de décodage de tous les exotes de la planète, apparaît à ce moment comme une tentative d’élargissement des limites de ce même capitalisme. Mais il ne s’agit plus alors pour Tintin de créer un empire des signes d’occident. Tintin-schizo n’arrête pas d’élargir les limites extérieures (l’errance transhistorique schizoïde) et les limites intérieures (la déliaison totale du désir) d’un monde capitaliste qui l’avait envoyé pour toute autre chose ! Rastapopoulos, le capitaliste vendeur de rêves (cinéma et drogues) ne s’y est pas trompé. Ce n’est pas le petit redresseur de torts qu’il tente d’anéantir, mais le fou qui lui échappe ! Tintin-schizo, voilà l’ennemi. Un Tintin qui se délie, se soustrait, s’absente, s’échappe. Un Tintin, qui avec l’aide de ses corps connexes (Haddock et Cie) est bien capable de faire exploser tous les codes afin d’en fabriquer d’autres, imprenables ceux-là comme ceux de Klee, de Beckett et de Thelonious Monk. Tel est Tintin : visé par la loi (les Dupondt l’ont persécuté dès le début, dans Les Cigares du Pharaon) mais rétif à la norme. Il est impossible de coder (ou de décoder) ces innombrables moments où Tintin ne donne à voir et à entendre que sa petite bouille blanche. »

Sitartmag

« Fort d’une documentation étendue, d’une connaissance parfaite de l’oeuvre et de ses enjeux, Pierre Sterckx explore les grands thèmes qui la traversent : les mythes, le temps, l’espace, la (non) musique, la couleur, sans oublier, surtout, qu’il s’agit de bande dessinée, c’est-à-dire d’un genre détenant “une incoercible puissance de liberté”. »

Jean-Pierre Longre, Sitartmag, novembre 2007

La Libre Belgique

« Proche entre 1960 et 1980 de Hergé, qui l’honorait de son amitié, partageant avec l’auteur duSceptre d’Ottokar une passion profonde pour l’art d’aujourd’hui, le très érudit et captivant Pierre Sterckx […] a publié, depuis 1979, sept livres autour du génial créateur de Tintin. […]. À ces travaux, s’ajoute désormais Tintin schizo. Un essai pétillant d’intelligence, exceptionnellement apéritif, dont, à lui seul, le dernier chapitre, “Cherchez la femme !”, mériterait d’être développé dans un autre livre : à bon entendeur… »

Francis Matthys, La Libre Belgique, 14 décembre 2007

Lire l’interview sur le site de La Libre Belgique

ActuaBD

« Pierre Sterckx vient de publier aux Impressions Nouvelles, Tintin schizo, un brillant essai relisant l’univers d’Hergé avec un regard toujours aussi fertile servi par une langue amusante et inventive. »

Didier Pasamonik, ActuaBD, 13 janvier 2008

Lire l’article complet sur le site de ActuaBD

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