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Blog L'enfance de l'art

Il y a quelques années, j’avais le désir constant de disposer d’un logement second, distinct de mon habitation ordinaire, et entièrement voué au travail. Un studio avec une baie vitrée donnant sur le Bois me paraissait désirable. Une petite maison dans une campagne proche de Paris était mon second choix. J’hésitais entre les deux, aimant également les bois publics et les jardins privés.

Je voyais cette retraite absolument comme l’opposé d’une garçonnière : je n’y emmènerais que de livres, des fumées de rêves et des êtres virtuels.

Une retraite pour rêver, pour écrire, pour faire le mort.

Je les ai eues, ces planques. J’ai eu mes sorties du temps.

J’ai même eu les deux à la fois. J’ai eu le studio aux panneaux panoramiques, la vue sur la Seine. Et j’ai eu les tuiles, la cheminée, le crêpi envahi par lierre, et le cercle de la forêt autour d’un jardin clos.

Dix saisons durant, j’ai disparu du monde, trois jours par semaine. Je laissais mes formes fantômes occuper l’espace que je venais de quitter.

Je n’ai pas été spécialement productif dans mes retraites. J’aime trop la solitude. Si je n’y prends pas garde, elle me mange. A la fin, je rentrais chez moi au bout de quelques heures, je travaillais dans la cuisine, au milieu du bourdonnement d’abeilles de mes enfants.

Je jouissais bien plus de mon absence du monde que du bénéfice de ma retraite studieuse. Je faisais le mort.

J’ai donc renoncé à ces plaisirs métaphysiques. Je me suis libéré du même coup des  petites tâches prosaïques qui en étaient le prix…

Tous ces loyers à payer, ces factures à comprendre, ces abonnements à vérifier, ces clés à ranger et à ne pas perdre, ces boites aux lettres bourrées de messages, ces visiteurs intempestifs, ces eaux chaudes, ces eaux froides – fini, fini.

Les cafés sont devenus mes amis. Non pas les cybercafés, qui ressemblaient à des ateliers clandestins. N’importe quel café. N’importe quelle ville. N’importe quel train. Je vis au rythme de mon temps de veille.

Internet, smartphone, plectres plaqués sur le plexus et sur les tempes. Ils permettent de vivre où on veut dans le monde, de diriger ses affaires en temps réel, de prendre ses décisions soi-même et d’écrire au plus près.

Sur chacun de ses objets, et sur le cerveau nomade qui les résume tous, vient se poser la phrase d’espérance et de projet que trace toute vie aventureuse (et quoi de plus aventureux que l’écriture ?) : « Caeserem vehis caesarisque fortunam » : Tu portes César et son destin.

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