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Blog Réflexions sur la littérature (2010 - 2014)

L’écriture à contrainte, on le sait, est une alternative au mythe romantique de l’inspiration. La contrainte, disait Raymond Queneau, aide à donner de l’inspiration aux écrivains qui n’en ont pas. Les avantages de cette méthode ne doivent plus être soulignés, ni les effets souvent heureux d’une telle discipline (à commencer par bien des chefs-d’œuvre de Raymond Queneau lui-même).

Mais écrire à contrainte ne fait pas seulement écrire. Elle sert aussi, et de manière tout aussi capitale, à ne pas écrire, plus exactement, à s’abstenir de faire ce qu’on aurait fait en travaillant sans s’imposer certaines limites. Grâce à la contrainte, on échappe au spontané de la parole et à tous les clichés que véhicule toute expression directe de soi.

Trouver le bon équilibre entre ce que la contrainte permet de faire, d’une part, et ce qu’elle empêche de confier au papier, d’autre part, paraît un exercice un peu théorique. Toutefois, en pratique, c’est bien un des plus grands problèmes auxquels se voient confrontés les écrivains à contraintes. En effet, si elle vient à l’aide aux auteurs sans inspiration, la contrainte peut perdre aussi les mêmes. Car une fois lancée la machine, comment faire pour qu’elle ne s’emballe pas ?

Neuf fois sur dix, l’institution littéraire impose une manière de “bon usage” : il n’est pas possible de publier toute la production de celles et de ceux à qui les contraintes permettent de produire à l’infini, et souvent avec une aisance ahurissante. Mais il est aussi des auteurs à contraintes et à succès, logiquement soutenus par leur éditeur, ou des auteurs à contraintes qui passent par plusieurs pseudonymes pour écouler leurs livres, ou encore des auteurs qui se tournent vers des genres qui leur permettent de faire long (le retour étonnant du roman-feuilleton, qui s’explique aussi par l’exploration de nouvelles formes de communication via la Toile, n’est sans doute pas sans rapport avec la graphomanie déclenchée par l’écriture à contraintes).

Soit par exemple Jacques Jouet, écrivain oulipien qui se distingue de ses confrères en défendant une écriture à contraintes qui se passe parfois de… contraintes. Mais une autre caractéristique de son travail est sans doute la profusion éditoriale. Jouet publie énormément (il écrit peut-être encore davantage, je n’en sais rien), et ses textes sont souvent bons, parfois très bons (ils ne sont en tout cas jamais mauvais).

Prenons L’Histoire poèmes (POL, 2010), 227 poèmes et plus de 400 pages, suivies d’un bel index, qui proposent une alternative “potentielle” à l’histoire telle qu’on ne la connaît que trop. C’est un livre à bien des égards superbe, pour ce qui est de la forme (un feu d’artifice de styles, de tons et de techniques) comme pour ce qui est de notre approche des événements historiques (le dépoussiérage est souvent radical). En même temps, on se demande sans cesse ce qu’un tel projet aurait pu donner s’il avait été, risquons le mot, plus contraint ?

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