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Du côté des auteurs

À l’occasion de la parution de La Langue dans la cité de Jean-Marie Klinkenberg, Christiane Buisseret, présidente de l’Association belge des professeurs de français, a eu un entretien avec l’auteur, que publie la revue Vivre le français (n° 244, mars 2015).

Christiane Buisseret. Vous êtes connu pour vos travaux en linguistique, en sémiotique et en histoire des littératures francophones. Ce livre semble détoner dans votre production…

Jean-Marie Klinkenberg. Oui, il s’agit résolument d’un essai et non d’un travail académique (on n’y trouvera pas de notes en bas de page !). Et même s’il contient certains passages qui pourront apparaitre comme un peu didactiques — ils me paraissaient nécessaires —, il s’agit d’un livre engagé, comme son sous-titre (Vivre et penser l’équité culturelle) le suggère du reste. J’y trace les grands traits de ce que pourrait être une politique linguistique qui contribuerait à plus de justice. Et pour cela, je renverse le rapport que l’on établit généralement entre la langue et ses utilisateurs. Ceux-ci sont en effet souvent considérés comme des locataires de la langue, des locataires constamment surveillés et gourmandés, et non comme ses propriétaires. Je tiens que la langue est faite pour eux­  — pour leur développement, leur promotion, et même pour leur bonheur —, et que ce n’est pas eux qui sont faits pour elle et pour son prétendu « génie ».

C.B. D’où vient cette préoccupation dans votre parcours ?

J.-M. K. Elle vient de loin : elle puise sans doute son origine dans ma culture familiale. J’ai en effet été élevé dans l’idée que nous avions des responsabilités vis-à-vis de la société, à laquelle nous devons au minimum rendre ce qu’elle nous a donné. Concrétiser ces responsabilités dans sa vie professionnelle n’est pas toujours facile. En ce qui me concerne, il m’est arrivé de souffrir d’une certaine schizophrénie entre ma conscience citoyenne et ma pratique d’universitaire, alors même que je pense m’être beaucoup investi dans ma mission d’enseignant. Mais mes enseignements en sociolinguistique — et on peut considérer que la politique linguistique, c’est de la sociolinguistique  appliquée — m’ont permis de mieux articuler ces deux volets de ma vie.

Par ailleurs, et ce n’est pas une simple anecdote, j’ai beaucoup fréquenté le Québec (j’ai notamment longtemps été président du Centre d’études québécoises de mon université, le plus ancien d’Europe). Et ce contact a joué un grand rôle dans les conceptions que j’ai pu développer de la politique linguistique. Il n’y a sans doute jamais eu dans l’histoire une collectivité qui ait investi autant de moyens (humains, financiers et intellectuels) dans la politique linguistique, et qui ait fait un travail aussi poussé de conceptualisation de sa politique. Évidemment, les situations du Québec et de la Belgique francophone sont radicalement différentes (la première situation serait même plus proche de ce que la Flandre a vécu dans l’histoire). Mais il s’est développé dans ce pays au haut standard démocratique une conception de la politique de la langue comme instrument mis au service du développement du citoyen. Et surtout, la politique de la langue y est solidement articulée aux politiques éducationnelle, sociale, et même économique. Loin d’être cet « obscur objet du politique » que la langue est chez nous (nos politiques, nos syndicalistes, nos patrons ne voient pas les enjeux qui gisent dans la langue, et qui les concerne pourtant), le français est perçu au Québec comme une pierre de touche de toutes les politiques. Oui, il y a là-bas tout un capital  — fait d’expériences, de méthodologies, de débats, d’analyses — que nous pouvons exploiter, et qui m’a beaucoup inspiré.

C.B. Ce livre est donc étroitement lié à l’activité que vous avez développée dans le cadre du Conseil de la langue française et de la politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, auquel j’ai le plaisir d’apporter ma contribution en tant que présidente de l’Association belge des professeurs de français…

J.-M. K. Bien sûr ! J’ai fait partie du Conseil de la langue française (qui a changé plusieurs fois de nom) depuis sa création, en 1985 ; et j’ai par trois fois été appelé à en être le président. L’idée même d’une politique linguistique ayant peu pénétré les esprits (je puis même vous dire que c’est à l’instigation du Québec, qui se sentait pris dans un face-à-face stérile avec la France, que notre Conseil a été créé), j’ai dû à de nombreuses reprises tenter de conceptualiser notre action, qu’il se soit agi de féminisation des noms de métiers, de création terminologique, de politique des médias ou de l’enseignement, de communication entre le citoyen et les pouvoirs publics. Ce travail de réflexion a débouché sur un premier livre, La Langue et le citoyen, publié en France en 2001, livre dont celui-ci est comme le descendant. On pourrait donc dire que c’est une sorte de testament — c’est ce qu’a récemment fait un journaliste —, si ce mot ne suggérait pas que je me suis arrêté ou que je vais m’arrêter d’agir !

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