« À V, au 4e étage d’un immeuble de la rue Jaune, longue rue venteuse menant au haut du quartier des Hauts-de-Hauteville, Agapet Adulé, homme quelconque, s’apprête à sortir de chez lui pour se rendre à la gare : son tampon encreur l’attend, comme chaque matin de la semaine, au 34e étage de la Tour K, à Bruxelles – destination matinale de tant d’employés tout aussi quelconques. Mais ne voilà-t-il pas qu’il tombe nez à nez, si on peut dire, et avec une enveloppe dans sa boîte aux lettres et avec un message sur son répondeur téléphonique ! Une femme partie il y a juste un an (certes, à un jour près), un ami invisible depuis longtemps, sont peut-être les auteurs de ces deux messages inhabituels (sa boîte aux lettres est la plupart du temps vide et son téléphone ne sonne jamais), et incongrus : comment est-il possible que ça arrive juste au moment de partir « travailler » (parce qu’en effet, comme on le verra, il y a « travail » et travail ) ? Aussi notre homme quelconque s’assoit-il dans le hall de son appartement, au 4e étage de cet immeuble de la rue Jaune, et tâte-t-il au fond de sa poche le pare-brise d’une petite DS rouge qui ne le quitte jamais ; il songe à tout ce qui a eu lieu il y a un an, ainsi qu’à tout ce qui a précédé ce qui a eu lieu il y a un an et aux conséquences inévitables occasionnées par ce qui a eu lieu il y a un an (le 2 avril exactement). Et si, au fond, rien n’avait eu lieu ? Comme s’il suffisait à une obsession de paraître parmi un flux de pensées pour donner cette impression qu’elle est le reflet d’une réalité passée. Agapet Adulé est inquiet ; il arrivera sans doute en retard aujourd’hui. »