Quelques mois après le décès de Claude Lanzmann, qui dirigea Les Temps modernes de 1986 à 2018, Antoine Gallimard, propriétaire du titre et éditeur depuis 1985 de cette revue fondée par Sartre et Beauvoir en 1945, rendit publique sa décision d’y mettre fin. Ainsi s’achevait abruptement, avec le numéro 700, une longue séquence dans la vie de ce titre qui marqua profondément le XXe siècle. Qu’on déplore ce parti éditorial ou qu’on l’accueille avec faveur, il est juste en tout cas de ne pas escamoter une telle disparition, de saluer ce que fut cette publication, de réfléchir sur la spécificité de son apport et de s’interroger sur ce dont sa brutale extinction est le symptôme. Il s’agit d’en dresser le portrait, de dégager ses thèmes de prédilection, sa méthode, sa ligne ; de cerner sa place mouvante dans le champ des revues ; de réfléchir sur son histoire longue, mais aussi son évolution récente, ainsi que sur son possible avenir sous un autre intitulé : ne nous trouvons-nous pas aujourd’hui en effet, mutatis mutandis, face à une question, celle du changement climatique, qui par son urgence et sa globalité, est structurellement similaire à la refondation globale du monde par laquelle se sentaient requis les fondateurs à la fin de la Seconde Guerre ? Si, à partir des années 60, s’est imposée la figure de « l’intellectuel spécifique », peut-être la pensée totalisante retrouve-t-elle de nos jours une nécessité neuve. De ces questions débattent des auteurs qui, pour faire justice au statut généraliste des Temps Modernes, appartiennent à divers champs disciplinaires.