Il s’agit de nouvelles, mais c’est aussi un peu un roman, car cela raconte en filigrane l’histoire de Françoise qui écrit ces nouvelles. Françoise la romancière sentimentale qui chaque matin, rituellement, avant de s’installer à l’ordinateur, s’inonde de Bal à Bagatelle, son parfum fétiche, le complice de son inspiration. Françoise, l’épouse délaissée de ce vieux beau, ce parasite, ce geignard de Georges Girard et qui, excédée, à bout de patience, affûte enfin tout son mordant, toute sa malice pour se venger par jeu de la gent masculine et de ses spécimens les plus ingrats. Françoise ne sera pas seule à prendre sa revanche. Très vite, quelques héroïnes se feront inviter. Arriveront, tour à tour, la prudente Lydia, la douce et blonde Marilou, la flamboyante Éléonore, l’indulgente Gisèle, la provocante Samantha, la trop docile Violette, la très accueillante Natacha, la chimérique Juliette, la toujours avenante Solange, la rêveuse Anne-Marie, la machiavélique Adolphine. Avec elles, en leur nom, de récit en récit, Françoise l’écrivaine réglera joyeusement leur compte à ce malotru de Raymond, ce pourceau de Vranken, cet obsédé de Duverger, frénétique consommateur de rousses, ce macho prétentieux d’Alexandre Pradier, ce pauvre benêt de Maréchal, ce trop inconsistant Jean-Claude, ce tyran domestique de Bernard, amateur d’œufs durs mayonnaise, ce goujat de Victor, cocufié par un bœuf, ce butor de François, “Tigre jaloux” pour les intimes, ce vieux, trop vieux, trop décati Anatole Spinette, collectionneur de putois empaillés, ce despote de Théo Verbist, cycliste en chambre sur le retour, ce dédaigneux, glacial Hubert, indifférent aux charmes de sa jolie cousine.

Sans Lydia, Marilou, Éléonore, Samantha, Violette, Adolphine et les autres, sans ces belles héroïnes si pleines de ressources, sans leur audace et leur aplomb, Françoise se serait-elle aventurée aussi loin dans l’assassin plaisir de la revanche ? Peut-être pas. Mais elle doit l’avouer, elle s’y amuse beaucoup.