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Blog Réflexions sur la littérature (2010 - 2014)

La poésie est comme l’amour: de même qu’il n’y aurait pas d’amoureux au monde si personne n’avait entendu parler d’amour, de même la poésie a besoin de « passeurs ». L’être humain naît peut-être poète, mais pour le devenir, on a besoin d’autrui. Mais comment parler de poésie ? Et qui doit le faire ? Les poètes eux-mêmes ? L’enseignement ? D’autres lecteurs ? Les médias ?

Une récente publication d’Otto Ganz tente d’apporter une solution originale au problème de la transmission de la parole poétique. Malheureusement, le résultat est tout sauf convaincant, à cause même de l’excès de bonne volonté qui s’y mêle. À l’usage de ceux qui apprennent à entendre les mots. Note didactique (éd. Du Cygne, 2009), part d’une prémisse intéressante : au lieu de définir la poésie, et de le faire à l’aide d’un texte lui-même poétique, Ganz choisit l’approche indirecte qui l’amène à décrire autant la poésie que ce qu’elle n’est pas. Plus exactement il termine chacune des strophes de sa litanie (il y a dans ce texte, comme du reste dans le travail de Ganz en général, une forte dimension rituelle) par une négation de ce qu’il vient d’énoncer. En guise d’exemple : « Il se peut que le poème//ne démasquant//aucun message visible//en soit un// Et ce n’est pas ici qu’est le sens. » (p. 13).

Si pareille formule, variée quelque soixante fois dans le recueil, est un retour intéressant sur le genre très ancien de l’art poétique, force est de reconnaître que sa possible fonction d’éveil est soigneusement saccagée par la postface de Geneviève Hauzeur, spécialiste de la didactique du français et chargée de la formation de ceux qui, dans le secondaire, sont obligés de « faire » de l’enseignement de la poésie. Qu’on m’entende bien : la postface en question est sans doute bourrée de bonnes intentions, mais la seule idée de s’acharner à expliquer un texte poétique qui insiste tellement, à tort ou à travers, mais c’est un autre problème, sur les limites de la compréhension rationnelle du poème, est un contresens absolu.

Ce contresens, ce n’est évidemment pas Geneviève Hauzeur qui en est responsable, mais tout l’enseignement qui reproduit aveuglément la position traditionnelle du maître « qui sait », même lorsque le maître, et c’est tout à fait clair dans le cas de la poésie, ne fait que feindre le savoir dont on l’investit.
Il est temps de prendre au sérieux la thèse du maître « ignorant » (développée par Jacques Rancière dans son bel essai éponyme, publié aux éditions Fayard en 1995). Un tel maître n’est pas un maître qui sait ou qui ignore, mais un maître qui aide l’élève à s’assumer lui-même, c’est-à-dire qui amène l’élève non plus à recevoir mais à prendre le savoir. Pour l’enseignement de la poésie, cette prise de conscience devrait encourager à essayer de tout autres formules, dont on espère reparler un jour.

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