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Blog Réflexions sur la littérature (2010 - 2014)

La poésie, on ne se lasse pas de le redire, n’est admissible que lorsqu’elle sert à quelque chose. Rien d’aussi insupportable que la poésie inutile, la poésie-forme qui n’est pas aussi poésie-fonction. Il faut casser la prolifération de la poésie qui fait double emploi, qui s’ajoute sans rien modifier ou sans ajouter rien d’autre qu’elle-même.

Souvent, la poésie qui fait œuvre de critique, le fait mal. Décrivant les objets dont elle parle, quand il s’agit de critique d’art, elle les affadit en croyant les embellir. Protestant contre une situation ou un geste dont elle se fait le témoin, quand il s’agit de critique sociale, la poésie lui enlève ce que les faits incriminés peuvent avoir de scandaleux ou de révoltant. Multipliant le cri de l’œuvre qui s’insurge, elle ne sait plus comment hurler pour se faire entendre.

La “poésie-critique” de Nathalie Quintaine que l’on trouve, discrètement, dans “Tous les hommes ne sont pas plans” de Michel Herreria, dessinateur et plasticien, aujourd’hui auteur d’un ensemble de dessins-portraits aux éditions Le Bleu du Ciel (2012, le livre contient aussi un texte de Jérôme Mauche), est le contraire d’une telle poésie critique (sans trait d’union). C’est un exemple de poésie qui au lieu de se servir de la poésie pour faire de la critique ou d’abuser de la critique pour créer de la poésie, articule-disjoint les deux fonctions du discours poétique et du discours critique. La parole de Quintane, qui s’interroge sur le sens des bonhommes de Herreria, figures à la fois simples et bizarroïdes, nous réapprend à nommer, à décrire, à circonscrire, à situer, à brouiller, à structurer ce que l’on pensait voir dans les images. Cette poésie n’est pas complément, elle ne laisse pas les choses intactes, elle est en rapport d’émulation avec l’objet que pourtant elle respecte profondément. Il n’est pas très sensé de s’interroger sur les intentions de cette poésie, ce qui serait une façon de ramener la parole à l’auteur, visiblement le dernier souci de Nathalie Quintane. Par contre, il est capital de prendre toute la mesure des effets, de l’impact, de l’ascendant des mots simples, comme les dessins qu’ils prolongent, et en même temps sans cesse décalés, déplacés, défaits, à l’instar des dessins qu’ils continuent là où le titre qui les rehausse semble apporter toutes les lumières nécessaires. Les mots poétiques sont ici des intrus, des mots qui loin de replier les objets sur eux-mêmes ou d’en faire ressortir quelque essence voilée, les branchent sur le dictionnaire, la langue, la rue.

Insensiblement, c’est-à-dire au bout de deux phrases, un univers se met en place, et heureux le lecteur qui voit tout de suite où commencent ces phrases  et où elles s’arrêtent. Chez Quintaine, la ponctuation, la grammaire, le suivi de l’argumentation et les surprises associatives ne sont pas ce qui met un terme à la phrase. Le point final n’est toujours qu’une passerelle. Au milieu d’un mot peut se tapir la fin d’un mouvement. La quasi-absence de conjonctions n’empêche nullement un courant verbal on ne peut plus étagé, multiplement imbriqué. Les mots-pivots, quand il y en a, arrêtent autant qu’ils ne soudent. Le texte paraît plan, mais le lecteur s’en trouve retourné comme un gant.

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